10- "Je n'ai pas dû rater grand-chose. "1/2
« J'étais un peu jalouse de ne pas être restée avec eux,
mais je n'ai pas dû rater grand-chose. »
Saï, éclaireuse.
À l'aube, la colonne des résistants s'était ébranlée vers le sud, laissant derrière elle l'arène désertée dans laquelle ne restait que du matériel épars. Tous avaient quitté les lieux, même les non-combattants. Ils étaient douloureusement conscients qu'ils jouaient le tout pour le tout. Si cette offensive échouait, jamais ils n'arriveraient à faire reprendre confiance aux seigneurs. Ce serait la fin de la Résistance et l'occupation sulnite deviendrait définitive.
Avant le départ, Eliz avait proposé différentes protections à ses amis, mais elle avait rencontré peu de succès. Tous avaient refusé de porter des casques prétextant qu'ils étaient lourds et gênants. Yerón avait fini par accepter d'enfiler une veste matelassée sans manches à force de menaces. Il n'avait voulu aucun équipement qui risquerait d'entraver ses gestes. Lorsque Eliz s'était retournée vers Kaolan pour lui présenter une cotte de mailles, le jeune homme avait tout simplement disparu. Le choix de Razilda s'était porté sur une veste et un capuchon de cuir épais. Habituée au poids d'une armure, Eliz avait été la seule à revêtir une cotte de mailles et des jambières en métal, bien sûr assorties du casque qui lui avait tant manqué pendant tous ces mois.
– J'espère vraiment que ça vous suffira, avait-elle marmonné en détaillant ses amis avec inquiétude. Je ne pourrais pas tous vous protéger.
Déjà en possession de son équipement de vol, Saï put échapper à la sollicitude d'Eliz. De toute façon, elle n'était pas censée rester avec ses compagnons. Elle avait reçu pour tâche de survoler l'île pour s'assurer de l'avancée des unités alliées et éventuellement repérer tout mouvement sulnite suspect. Lors de son départ, l'unique consigne qu'on lui donna fut « d'être prudente ». Elle prit cela comme une victoire. Eliz devait commencer à lui faire confiance, et peut-être même — qui sait ? — à la considérer en adulte.
Elle décolla avec plaisir, préférant voler sans restreinte plutôt que de se traîner sans fin aux côtés de ses compagnons bien trop terrestres. Pour en avoir longuement parlé avec Hermeline, elle connaissait les positions où chacune des armées devait, en théorie, se trouver. Elle quadrillait donc ces zones, tout en comptant sur le regard acéré de Tempête pour lui signaler des déplacements de masse. L'aide de son compagnon lui permettait d'utiliser un peu de son temps à rêvasser plutôt qu'à scruter le sol en permanence. Ce qui, avouons-le, finissait par lui donner mal aux yeux, et lui faire voir des choses qui n'existaient pas.
Le lendemain, elle survola les forces rassemblées par les Hasselbach. Il s'agissait de la troisième armée qu'elle repérait. Elle amorça une lente descente en spirale pour se poser devant la tête de la colonne. Un remous de frayeur agita les combattants. Même si leurs supérieurs avaient dû leur parler d'elle, ils ne s'attendaient sûrement pas à une telle apparition. Deux cavaliers se détachèrent de l'escadron et avancèrent vers elle au petit trot. Saï ôta son casque pour les saluer. Elle reconnut le premier comme étant Tristan Hasselbach, le frère aîné d'Annalena, qu'elle avait déjà rencontré lors de sa première visite dans leur fief. Aussi blond que sa sœur, le jeune homme avait la forte carrure de son père et tentait vainement de parfaire cette ressemblance en laissant pousser une moustache bien trop fine. Le second cavalier était une femme à l'air martial dont le visage tanné était barré d'une cicatrice courant de sa mâchoire au coin de son œil droit. Elle resta silencieusement quelques pas en retrait alors que Tristan Hasselbach saluait la messagère.
– Tout se passe-t-il comme prévu ? demanda Saï. Avez-vous rencontré des difficultés ?
– Si nous gardons ce rythme, nous rejoindrons le point de rendez-vous un jour avant l'heure dite, se rengorgea le jeune seigneur. Plusieurs garnisons sulnites ont fui devant nous. Nous avons même surpris une patrouille que nous avons exterminée.
Des hourras retentirent derrière lui, ponctuant ses dires avec enthousiasme. La motivation de ses troupes n'était visiblement plus à faire.
– Comment se porte votre sœur ? hasarda Saï, ne sachant trop si elle pouvait se permettre ce genre de familiarité.
– À merveille ! répondit le jeune homme. Nous avons même dû insister pour qu'elle renonce à nous accompagner. J'ignore ce que vous lui avez dit cette fameuse nuit, mais j'ai parfois du mal à la reconnaître. Non pas que je m'en plaigne ! Elle avait besoin qu'on lui mette un peu de plomb dans la tête.
Voyant que les nouvelles étaient bonnes, Saï ne s'attarda pas davantage et reprit son vol. Les autres escouades lui firent, à peu de choses près, le même rapport. La jeune fille revint donc de sa première reconnaissance en informant Eliz et Johann que l'avancée des troupes alliées se déroulait comme prévu. Les garnisons sulnites fuyaient devant elles pour rallier la capitale. Le prince Isfarak et le gouverneur de Riven seraient sans doute très bientôt prévenus de la mobilisation contre eux, si ce n'était déjà fait.
Saï resta une journée pour profiter de la compagnie de ses amis, avant de repartir. Déjà, ses vols lui paraissaient routiniers, cependant, elle ne s'en plaignait pas. Elle avait si souvent rêvé de voler, comment aurait-elle pu s'en lasser si vite ? Tandis que Tempête les portait de ses ailes puissantes, elle laissait ses pensées vagabonder. Ce jour-là, un détail revint souvent, insistant, préoccupant : on ne lui avait assigné aucun rôle dans le plan d'infiltration que ses amis avaient élaboré. Attendaient-ils d'elle qu'elle surveillât les armées jusqu'au dernier moment ? Serait-elle ainsi exclue de leur ultime acte de bravoure ? Elle n'aimait pas du tout cette idée. Elle savait qu'elle et Tempête pouvaient apporter une aide déterminante dans l'infiltration du château, ne serait-ce qu'en guettant depuis les hauteurs.
Elle profita de son retour suivant parmi les résistants pour s'en ouvrir à Eliz. Celle-ci parut embarrassée.
– Nous ne savons pas encore quels obstacles pourraient se dresser sur notre route, éluda-t-elle. Il est difficile de prévoir quand nous n'aurons plus besoin de tes services pour nous coordonner. Si ça arrive et que tu trouves le temps de nous rejoindre, j'en serais la première ravie.
Eliz mentait, Saï en était sûre. Elle était certainement bien aise de la tenir loin de l'action, en sécurité dans les cieux. Même si elle ne côtoyait pas tout le temps ses amis, il lui semblait qu'Eliz mentait beaucoup en ce moment. La jeune fille lui trouvait souvent l'air étrange de ceux qui ont quelque chose à dissimuler. Et en tant que titulaire de deux frères plus jeunes, elle savait très bien à quoi ressemblait cette expression. Elle connaissait suffisamment bien Eliz pour supposer que ces cachotteries ne mettraient pas en danger la réalisation de leur mission, mais une part d'elle-même restait préoccupée.
Sept jours après leur départ de l'arène, le groupe se sépara. Ils se trouvaient alors dans la région d'Ostburg. Le gros de la troupe avec Johann et Hermeline à sa tête continuerait vers le prochain pont sur le Reikstrom tandis que l'équipe d'infiltration menée par Eliz irait vers la mer et les falaises. Ces derniers savaient qu'ils pouvaient prendre leur temps. Ils n'agiraient pas tant que Saï ne les préviendrait pas que l'armée sulnite avait quitté Riven et qu'elle était trop loin pour rebrousser chemin. Il fallait espérer que les Sulnites mordissent à l'hameçon.
Ils se séparèrent gravement en se souhaitant bonne chance. Johann devait être prudent. Si les Sulnites fuyaient devant les armées de leurs alliés, ils ne rechigneraient peut-être pas à faire leur proie de son petit groupe.
Bien qu'elle fut consciente de son devoir, Hermeline peinait à chasser de son visage l'envie qu'elle avait de rester avec ses amis pour vivre le haut fait épique qu'elle imaginait. Elle prit sur elle, et se contenta d'encourager les troupes une dernière fois avant de les quitter.
***
Eliz conduisait son groupe avec prudence. Elle prêtait une grande attention à l'ambiance qui y régnait. Elle avait eu beau tenir compte des affinités de chacun en choisissant ses membres, il restait toujours une part d'incertitude sur la réalité des interactions une fois sur le terrain. Pour l'instant, elle n'avait pas à se plaindre.
À eux deux, Orage et Faucon semblaient doués d'une réserve inépuisable d'enthousiasme et de bonne humeur qu'ils partageaient généreusement. Un peu trop, peut-être, aux dires de Jill, l'archère qui n'avait été autorisée à les accompagner qu'après avoir promis d'être prudente. Eliz avait insisté sur l'importance de leur mission et lui avait laissé le choix de partir avec Johann si son but était simplement de tuer le plus de Sulnites possible. Cependant, flattée d'avoir été choisie, la jeune femme avait accepté de réfréner ses ardeurs et de se conformer aux ordres. Eliz se félicitait de sa présence, heureuse que Kaolan ne soit pas le seul archer d'élite dans son équipe. Ils n'étaient que seize, certains ayant refusé de se joindre à eux, trop impressionnés par les enjeux.
Eliz promenait son regard sur les membres de sa troupe. Il y avait là quelques rescapés des différentes Gardes. Deux d'entre eux avaient même servi directement sous ses ordres et avaient manifesté un grand empressement à la rejoindre. Elle les connaissait bien, et, hormis ses amis, ils étaient ceux en lesquels elle avait le plus confiance. Ils étaient entraînés et avaient l'habitude d'obéir aux ordres sans discuter. Elle se posait plus de questions sur Jorg et Josi, les deux jumeaux, aussi dissemblables par le physique que par le caractère. Elle les avait rencontrés à l'arène où elle les avait peu fréquentés. Elle avait cependant tout de suite été impressionnée par leur habileté aux armes et leur entraînement physique. Johann les lui avait chaudement recommandés.
Josi était petite et ronde, dotée d'un caractère réfléchi et elle était la seule capable de tempérer l'enthousiasme souvent un peu trop démonstratif de son frère. Les deux jeunes gens venaient du nord de l'île. Ils avaient abandonné leur village à la suite de l'attaque particulièrement meurtrière d'un Ravageur qui n'avait pas été chassé par les occupants, en dépit des avertissements répétés de la population. Tous les deux en gardaient une rancune tenace à l'égard des Sulnites.
Depuis leur départ de l'arène, ses amis s'étaient mêlés aux autres recrues et Eliz voyait avec plaisir le groupe se souder peu à peu. Yerón discutait avec Esther, une ancienne de la Garde Céruléenne qu'elle appréciait pour son efficacité. Tous les deux semblaient beaucoup s'amuser. Jill chevauchait en silence aux côtés de Kaolan et cela semblait suffire à son bonheur. Quant à Razilda, elle arbitrait une polémique entre Jorg et Kay, un vétéran de la Garde Saphir, sur le meilleur usage à faire du foie des lièvres qu'ils avaient chassés le matin même. Polémique qui menaçait de s'étendre au groupe entier. Lorsque Eliz croisa le regard amusé de Razilda, elle rougit et détourna les yeux. Comme à chaque fois. C'était ridicule. Elle devrait vraiment faire en sorte d'arrêter de réagir comme une gamine qu'elle n'était plus depuis longtemps. Elle se surprenait souvent à sourire béatement dans le vide. Si son escouade commençait à mettre en doute ses facultés intellectuelles, elle ne pourrait s'en prendre qu'à elle-même.
***
Il ne leur fallut que deux jours pour rejoindre la côte. Les falaises y étaient peu élevées, mais percées de toute une série de grottes qui avaient servi d'entrepôt aux contrebandiers à l'époque où les taxes d'entrée des marchandises dans Riven étaient encore plus lourdes qu'aujourd'hui. Ils y établirent leur camp, sachant qu'ils y resteraient certainement plusieurs jours.
Le matin, ils s'étaient séparés d'Orage et de Faucon. Le couple avait une autre mission. Ils devaient s'introduire dans la capitale et prendre contact avec leurs anciens collègues de la Garde Azur toujours en poste. Ils devraient ensuite évaluer leur possibilité de neutraliser la garnison sulnite en place. Ce qui permettrait à l'équipe d'infiltration d'éviter d'avoir à gérer d'éventuels renforts venus de la ville.
Maintenant, ils devaient prendre leur mal en patience et attendre.
Sur l'étroite bande de plage que la marée ne recouvrait jamais, Yerón se concentrait. Cela faisait une heure qu'il s'employait à un exercice tout simple. Il avait choisi un galet bleuté aisément reconnaissable et le faisait flotter le plus loin de lui possible, jusqu'à ce qu'il échappât à sa maîtrise. Il traçait une marque dans le sable, là où la pierre était tombée, puis retournait à son point de départ et recommençait. À chaque nouvelle tentative, il essayait de dépasser la marque. Mais il n'y parvenait pas.
Il avait toujours su qu'il n'était capable d'utiliser ses pouvoirs que dans une portée assez restreinte autour de lui et l'avait admis comme le prix à payer pour ses facultés supérieures. Sauf qu'après avoir passé plusieurs mois à exploiter ses pouvoirs plus qu'il ne l'avait jamais fait, à réfléchir comment en faire le meilleur usage pour soutenir ses amis, il trouvait désormais cette limitation de portée incroyablement frustrante. Il s'était soudain reproché de l'avoir accepté comme une fatalité au lieu de chercher à savoir si un peu d'entraînement ne pouvait pas l'aider à repousser ses limites. Pour l'instant, il devait convenir que l'expérience était un échec. Il ne s'avoua toutefois pas vaincu et passa le reste de l'après-midi à répéter inlassablement le même exercice, ignorant les allées et venues des résistants autour de lui.
Lorsqu'il se décida enfin à arrêter, le soleil lançait ses derniers rayons au-dessus de la mer. Un début de migraine battait à ses tempes. Il résolut de marcher plus loin le long de la plage pour détendre ses jambes contractées et profiter des couleurs du ciel. Il se retourna vers le sud, et considéra la silhouette du palais royal sur les hauteurs. Leur cible. Sa bouche se dessécha en songeant à ce qui les y attendait. Il avait du mal à manifester autant d'optimisme que ses compagnons.
Absorbé dans ses pensées, il ne regardait pas où il mettait les pieds.
– Hé ! Fais donc attention ! dit une voix soudaine.
Yerón sursauta et baissa les yeux. Par terre, dans les galets, devant une avancée de la falaise qui barrait presque complètement la plage, reposaient Griffe et Améthyste dans leur fourreau. Les battements de son cœur s'accélérèrent.
– Que faites-vous là ? s'écria-t-il en se jetant à genoux à côté d'elles. Qu'est-ce qui est arrivé à Eliz et Razilda ?
– Occupées, grogna Griffe avec mauvaise humeur.
– Elles s'entraînent, laisse-les tranquille, précisa Améthyste.
– Elles s'entraînent sans vous ? s'étonna le jeune homme, se remettant de sa frayeur. Comment c'est possible ?
Griffe émit un sifflement agacé.
– C'est un entraînement au corps à corps, continua la rapière. Ça peut toujours être utile. Si seulement Bastian avait connu ce genre de technique...
– Ah, très bien... d'accord... bafouilla Yerón décontenancé par le ton soudain tragique de l'arme. Je vous laisse alors.
Troublé, il fit demi-tour sans argumenter davantage et vit Kaolan marcher vers lui.
– C'est l'heure du repas, l'informa son ami. Pourquoi tu fais cette tête bizarre ?
– Pour rien, répondit Yerón en se frottant la nuque machinalement. Eliz et Razilda font un entraînement spécial, paraît-il. De l'autre côté de la falaise.
Kaolan fronça le sourcil et son regard tomba sur les épées par terre. Son visage s'éclaira d'un bref sourire.
– Eh bien, il était temps, commenta-t-il avec satisfaction. Allez, viens manger. Griffe, tu pourras les prévenir que le repas est prêt, s'il te plaît ?
Puis il entraîna son ami avec lui vers le campement. Un peu avant d'atteindre la grotte, Eliz et Razilda les rejoignirent, essoufflées et transpirantes. Eliz boitillait même de façon alarmante.
– Que t'est-il arrivé ? s'inquiéta aussitôt Yerón.
– Razilda me montrait comment immobiliser et renverser son adversaire, et je me suis bêtement tordu la cheville, soupira-t-elle avec contrariété. C'est pas grand-chose, mais c'est vexant.
– Je voulais lui expliquer des techniques pour qu'elle évite de toujours recourir à la force brute, se justifia Razilda. Mais ça va demander un peu plus de travail...
– Soyez raisonnables, avec ce qui nous attend, ce n'est vraiment pas le moment de forcer ! les sermonna le jeune homme avant de rentrer dans la grotte et rejoindre le reste du groupe assis autour du feu.
***
Dans l'après-midi du lendemain, alors que chacun tentait de s'occuper au mieux, qui en s'entraînant, qui en pêchant pour le repas du soir, les renforts promis par Johann les rejoignirent au pied de la falaise. Eliz et ses amis eurent la surprise de reconnaître Wolfang parmi les volontaires. Le bûcheron vint les serrer dans ses bras avec sa chaleur coutumière.
– Quelle joie, mes amis, je pensais bien tous vous retrouver ici ! Eliz, la Résistance te réussit, tu es rayonnante ! Où est la petite Saï ? Il ne lui est rien arrivé, j'espère !
Ils le rassurèrent en quelques mots sur le sort de Saï et le bûcheron entreprit de faire les présentations entre les deux groupes de résistants qui s'observaient à distance. Les nouveaux venus n'étaient que douze, toutefois, le nombre ne serait pas forcément garant de victoire dans l'opération qui les attendait. Eliz reconnut avec plaisir d'autres anciens des trois Gardes. Le chef de la troupe était un homme sévère à la crinière grisonnante qui se campait fièrement sur ses jambes courtes.
– Voici Robby la Pioche ! le présenta Wolfang. Il dirige un petit groupe de résistants dans la région de Grünburg. J'ai passé plusieurs semaines avec eux et je te garantis qu'ils savent se battre ! Je ne te présente pas Garrett, je crois que tu le connais déjà.
L'homme couturé de cicatrices qui s'avançait n'était en effet pas un inconnu pour Eliz. Il ne s'agissait rien moins que le maître d'armes du palais qui l'avait entraînée, elle, aussi bien que Johann ou même Hermeline.
Il échangea une accolade avec Eliz et lui ébouriffa les cheveux.
– Alors, gamine, tu traces bien ton chemin, à ce que je vois ! lui dit-il avec familiarité.
Eliz se dégagea de son étreinte avec embarras et ses yeux tombèrent sur un jeune garçon qui se dissimulait derrière les jambes d'une femme à laquelle elle n'avait pas encore été présentée. Elle fronça les sourcils.
– Que fait cet enfant ici ? demanda-t-elle sévèrement.
Des regards furent échangés, des regards qui signifiaient clairement « Je vous avais dit que ça poserait problème. ».
– C'est un gamin des rues que j'ai emmené lorsque j'ai quitté Riven, expliqua Garrett, le maître d'armes. Il est malin, souple et capable de se faufiler partout. On s'est dit qu'il serait parfait pour une mission d'infiltration.
L'enfant s'avança. Sa frimousse effrontée couverte de taches de rousseur ne trahissait aucune timidité.
– Ouais, on m'appelle l'Anguille, dit-il en fourrant les mains dans les poches d'un pantalon trop large. C'est moi qui aie voulu v'nir. Ils ont tous dit que vous alliez faire des histoires, Cap'taine. Mais maintenant que je suis là, c'est trop tard, pas vrai ? Vous verrez que je pourrais être drôlement utile !
– Tu sais quand même que ça va être dangereux ? insista Eliz.
– Ouais. Vivre dans la rue c'est dangereux, alors j'ai l'habitude.
Devançant la prochaine remarque d'Eliz, il ajouta :
– Et rester ici tout seul en vous attendant, c'est dangereux aussi. Alors j'vous accompagne.
Il tendit une main pas très propre à Eliz qui la serra avec circonspection.
– Très bien, bienvenue parmi nous alors... j'imagine, dit-elle avec réticence.
Le garçon se retourna vers la femme derrière laquelle il s'était caché pour la forme. Mains jointes, regard fuyant, elle paraissait bien plus intimidée que lui.
– Tu vois Jenna, c'était pas difficile, à ton tour maintenant ! l'encouragea-t-il.
La femme s'approcha timidement. Ses longs cheveux bruns lui voilaient une partie du visage.
– J'm'appelle Jenna, marmonna-t-elle en esquissant une brève révérence. Je suis très heureuse de vous rejoindre, Capitaine.
– Jenna veut faire amende honorable, appuya Robby. Elle faisait partie d'une bande de hors-la-loi, mais elle a préféré les quitter pour intégrer notre groupe. Il ne faut pas en avoir honte, dis-lui !
La femme baissa la tête en rougissant.
– Euh oui... J'ai été très impressionnée par vos prouesses et celle de vos amis. Et par vot' discours aussi, Capitaine.
– Hein ? s'étonna Eliz. De quel discours tu parles ?
Jenna s'empourpra encore davantage.
– J'faisais partie de la bande de Véra, souffla-t-elle d'une voix presque inaudible. J'l'ai quitté après que vous nous avez botté les fesses...
Le visage d'Eliz s'éclaira alors qu'elle se rappelait soudain l'escarmouche avec les brigands au seuil de Dunkelberg.
– Il a dû te falloir beaucoup de courage ! apprécia la guerrière. Je suis ravie de t'avoir parmi nous.
Les présentations faites, les nouveaux venus furent emmenés dans la grotte. Il était temps de détailler leur plan d'action.
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